salarié exerçant son droit de retrait

Canicule et droit de retrait

Il fait (vraiment) chaud: Puis-je exercer mon droit de retrait?

Réponse: Cela dépend de la température ainsi que de la nature du travail effectué:

Qu’est-ce que le droit de retrait?

« Je vais exercer mon droit de retrait »!

Attention au langage commun:

Si le droit de retrait est évocateur pour beaucoup de salariés, il est précisément défini et reste soumis à des conditions, lesquelles, si elles ne sont pas (ou pas suffisamment) remplies exposent le salarié à des sanctions:

Les conditions.

Le travailleur alerte immédiatement l’employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection.

L’employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d’une défectuosité du système de protection.

Article 4131-1 du Code du travail

Le danger donc doit être grave ET imminent.

La jurisprudence apprécie au cas par cas: Ainsi, les courants d’air ne constituent pas un danger grave et imminent pour la vie et la santé du salarié1Cour de cassation 17 Octobre 1989 n° 86-43272.

Le droit de retrait d’un chauffeur routier justifié par le mauvais état de son camion a été également considéré comme abusif dans la mesure où un autre camion était disponible2Cour d’Appel de Reims 14 juin 2023 n° 21/02014

Le salarié n’est pas censé rentrer chez lui mais rester à la disposition de son employeur sur son lieu de travail, (qui, éventuellement, peut l’affecter sur un autre poste).

Les risques d’un droit de retrait abusif

Si le droit de retrait est injustifié, vous encourez (dans le pire des cas) une retenue sur salaire, une sanction (avertissement etc..) ainsi, dans les cas les plus extrêmes, qu’un licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Vous pourrez parfaitement contester devant le Conseil des Prud’hommes la mesure prise par l’employeur.

La température en fonction du poste occupé

Le Code de travail est silencieux sur ce point.

La jurisprudence évoque une « chaleur exceptionnelle3Cour de cassation 1er avril 2019 Pourvoi n° 07-45.511« .

Changement climatique oblige, la notion de « chaleur exceptionnelle » devient de plus en plus délicate à cerner.

Il convient ainsi et concrètement de se fier à l’appréciation de l‘INRS:

Les seuils au-delà desquels la chaleur peut constituer un risque pour la santé du salarié sont fixés comme suit par l’Institut National de Recherche et de Sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS):

  • Au-delà de 28°C pour un travail nécessitant une activité physique.
  • Au-delà de 30°C pour une activité sédentaire.

Aucune formalité n’est obligatoire, mais adresser un écrit à l’employeur afin de l’informer est particulièrement recommandé pour des raisons de preuves.

NB: Le CSE dispose d’un droit d’alerte en la matière4L4131-2 du Code du travail.

Les obligations de l’employeur

Au titre de son obligation de sécurité l’obligation d’aménager le poste de travail du salarié en mettant des bouteilles d’eau (gratuites) à sa disposition:

  • Pour tous les salariés:

« L’employeur met à la disposition des travailleurs de l’eau potable et fraîche pour la boisson ».

Article R4225-2 du Code du travail

  • Pour les salariés dont le poste exige une désaltération fréquente (donc en pratique les métiers physiques):

L‘article R. 4225-3 du Code du travail dispose que:

« Lorsque des conditions particulières de travail conduisent les travailleurs à se désaltérer fréquemment, l’employeur met gratuitement à leur disposition au moins une boisson non alcoolisée.
La liste des postes de travail concernés est établie par l’employeur, après avis du médecin du travail et du comité social et économique.
Les boissons et les aromatisants mis à disposition sont choisis en tenant compte des souhaits exprimés par les travailleurs et après avis du médecin du travail ».

  • Pour les personnes travaillant en intérieur:


L’article R. 4222-1 du Code du travail précise que:

« Dans les locaux fermés où les travailleurs sont appelés à séjourner, « l’air est renouvelé de façon à :
1° Maintenir un état de pureté de l’atmosphère propre à préserver la santé des travailleurs ;
2° Eviter les élévations exagérées de température, les odeurs désagréables et les condensations ».

Conclusion

Le droit de retrait fait, en pratique, souvent l’objet de négociations avant d’être réellement mis en œuvre:

Aucun employeur ne souhaite, en pratique, prendre le risque (réel) qu’un salarié soit victime d’une insolation ou d’un malaise sur son poste de travail.

En effet, en cas d’accident du travail, l’employeur pourra être mis en situation de justifier que les mesures permettant de limiter le risque lié à la chaleur ont bien été prises. Rappelons que ce risque, ainsi que les mesures prises pour l’éviter doivent obligatoirement être consignés dans un document tenu à la disposition de tout salarié (et ancien salarié) qui en fait la demande.

Cet article est rédigé à des fins d’information juridique et ne remplace pas les conseils personnalisés d’un avocat.

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