Harcèlement moral et rupture du contrat de travail
Quels sont les modes de rupture du contrat de travail ouverts au salarié victime de harcèlement?
La démission est-elle la seule option?
Tour d’horizon:
Lire également : La preuve du harcèlement moral.
- La résiliation judiciaire du contrat de travail en cas de harcèlement moral
- La prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de harcèlement moral
- L'inaptitude causée par le harcèlement moral
- La rupture conventionnelle
- Démission légitime, démission contrainte par le harcèlement moral
- Conclusion
La résiliation judiciaire du contrat de travail en cas de harcèlement moral
Ce mode de rupture du contrat de travail est réservé au salarié patient.
La résiliation judiciaire consiste, comme son nom l’indique, à demander au juge de procéder lui-même la résiliation du contrat de travail, aux torts de l’employeurs, s’il estime que les éléments portés à sa connaisance le justifient1Article 1231-1 du Code du travail.
Cette procédure est longue (un an en moyenne en fonction des régions).
Elle n’est donc pas toujours adaptée à la situation d’un salarié victime de harcèlement moral.
Elle implique en effet que ce dernier salarié attende que son litige soit tranché devant le conseil des prud’hommes tout en continuant à travailler au sein même de l’entreprise.
En pratique, le salarié engagé dans cette procédure sera logiquement placé en arrêt maladie, ce qui est admis2Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 30 juin 2021, 19-18.533, Publié au bulletin.
- En cas de succès, le salarié sera alors considéré comme ayant été licencié injustement (c’est à dire « sans cause réelle et sérieuse ») et percevra donc ses indemnités de licenciement, ainsi que, le cas échéant, ses indemnités pôle emploi.
- Si le juge refuse de rompre le contrat de travail, ce dernier se poursuivra. Le salarié devra donc démissionner.
La prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur en cas de harcèlement moral
En cas de harcèlement moral au travail, la prise d’acte est une procédure est rapide, intéressante et risquée:
L’enjeu reposera sur la capacité du salarié à prouver le harcèlement.
La prise d’acte consiste, pour le salarié harcelé à exercer une procédure en trois étapes (envoi d’un courrier, inscription à Pôle emploi et saisine des prud’hommes) lui permettant de rompre le contrat de travail en raison du comportement de l’employeur.
Ce dernier lui remettra les documents obligatoires et notamment l’attestation à destination de Pôle emploi laquelle mentionnera « Autre motif » avec la mention « prise d’acte ».
Il est fortement recommandé de se faire accompagner par un juriste.
- En effet, en cas d’insuccès ou d’erreur dans la procédure, le salarié est considéré comme un démissionnaire n’ayant pas respecté son préavis.
Ainsi, il peut devoir indemniser l’employeur du montant du salaire correspondant au préavis qu’il aurait dû effectuer, (mentionné au contrat de travail).
- Par ailleurs, le salarié ne perçoit, aucune allocation chômage jusqu’à la décision du juge.
La procédure est toutefois dite « accélérée », et peut durer un mois.
L’inaptitude causée par le harcèlement moral
Ce mode de rupture du contrat de travail peut être privilégié par le salarié qui ne disposerait pas de suffisamment d’éléments de preuve du harcèlement.
L’inaptitude professionnelle permet de faire valoir que l’état de santé du salarié n’est pas (ou plus) compatible avec le poste qu’il occupe dans l’entreprise.
Il est parfaitement possible de la faire reconnaitre par un salarié harcelé.
En effet, le harcèlement moral a des conséquences directe sur la santé mentale et physique du salarié (stress, burn-out, dépression) qu’il appartiendra au médecin du travail de reconnaître.
NB: La jurisprudence la plus récente permet désormais au salarié sollicitant une simple visite avec la médecine du travail d’engager la procédure de licenciement pour inaptitude.
L’inaptitude ne signifie en aucun cas qu’un salarié inapte est invalide.
Cela ne signifie pas non plus que ce dernier n’est plus apte à travailler (sauf dans les cas très précis où le médecin de travail le mentionne expressément) ou qu’il ne peut plus occuper le même poste que celui qu’il exerçait auparavant, que ce soit au sein d’une autre entreprise, ou même de la même, dans un service différent au besoin.
Le médecin du travail peut d’ailleurs parfaitement proposer un reclassement, une mutation, voire une création de poste, (que le salarié sera libre d’accepter ou non).
L’employeur aura ainsi l’obligation de prendre en compte les propositions émises par le médecin du travail.
Dans l’hypothèse inverse,sa responsabilité peut être engagée par le salarié et la condamnation au paiement de dommages et intérêts peut être prononcée3Cour de cassation, 4 novembre 2020, n° 19-11.626.
Lire également: Refus de reclassement du salarié inapte.
Le licenciement pour inaptitude peut ultérieurement être annulé s’il résulte que l’inaptitude est en réalité consécutive au harcèlement moral subi par le salarié4Cour de cassation 29 septembre 2011, 10-12.722, Publié au bulletin et Cour de cassation 1er février 2023 n°21.18-789.
La réintégration (très théorique..) pourrait ainsi être exigée par le salarié (qui préfèrera probablement une indemnisation)…..
NB: Il est possible de demander une rupture conventionnelle même en arrêt de travail.
La rupture conventionnelle
La rupture conventionnelle est un accord de volonté. Il s’agit donc d’un contrat.
L’employeur est libre de la refuser sans même donner de motifs au salarié qui en fait la demande (et inversement).
Elle a un coût pour l’employeur. Ce dernier doit donc avoir d’excellentes raisons (financières) pour vous l’accorder.
Aussi, si vous souhaitez tenter une telle demande, il est important d’anticiper vos arguments (et de sortir votre calculatrice).
L’objectif étant de convaincre l’employeur qu’il serait dans son intérêt (et dans celui de l’entreprise) de vous l’accorder.
- Accéder au modèle de lettre: Demander une rupture conventionnelle
Lire article dédié Le risque prud’homal et la rupture conventionnelle.
Dans l’hypothèse où l’employeur vous oppose malgré tout une fin de non-recevoir, tout n’est pas perdu pour autant.
Il est donc essentiel de ne pas se laisser décourager ni dépérir dans des conditions de travail devenues invivables:
Démission légitime, démission contrainte par le harcèlement moral
La démission contrainte
Elle permet de demander au juge de requalifier la démission. en licenciement injustifié.
Cette requalification est demandée lorsque le salarié poussé à bout, (parfois suite au refus de sa demande de rupture conventionnelle) décide de rendre les armes et de démissionner.
Son consentement à la démission est donc vicié par les agissement de l’employeur.
Si le harcèlement moral est reconnu, la démission sera ainsi requalifiée par le juge en licenciement nul (avec les indemnités correspondantes) .
La démission légitime
Votre démission est légitime si vous êtes victime d’actes délictueux dans le cadre de votre travail et qu’une plainte a été déposée.
Vous pouvez alors demander le réexamen par Pôle emploi de votre demande d’allocation au bout de 121 jours.
Si votre demande est acceptée, le point de départ du versement de l’ARE est fixé au 122e jour de chômage.
Conclusion
Quand le burn-out et le harcèlement subis rendent impossible le maintien du contrat de travail, la démission (qui prive le salarié de ses droits au chômage) n’est pas la seule option.
Toutefois, quelque soit l’option en la faveur de laquelle le salarié décide de s’orienter, la preuve du harcèlement constitue toujours l’enjeu décisif de sa reconnaissance.
Le moral du salarié est également un facteur essentiel. Il est en effet particulièrement difficile de mener bataille et de réunir les éléments permettant de faire valoir ses droits dans des situations où le quotidien est brutalement affecté.
Image de dooder, onlyyouqj Freepik