Liquidation judiciaire avant la fin des travaux: Se faire rembourser, obtenir l’exécution des travaux (et se protéger).
Vous avez confié des travaux à un professionnel, ils ne sont toujours pas terminés (variante: ils n’ont jamais commencé).
Vous avez réglé l’intégralité (ou du moins l’acompte que vous avez versé dépasse de loin les travaux déjà effectués).
L’artisan ne donne plus signe de vie et vous avez un mauvais soupçon.
Les rumeurs vont bon train : l’artisan aurait mis la clé sous la porte.
Vous avez tenté d’envoyer un recommandé, vous décidez d’en avoir le coeur net. Mais comment s’y prendre, concrètement?
Un mot d’ordre: Faites simple, Levez vos soupçons puis envoyez un mail (ou un recommandé) au mandataire. Soyez patient. Les mandataires sont des gens occupés.
Mode d’emploi
- Comment savoir si mon entreprise a fait faillite?
- Oui, mais comment s'appelle ce mandataire? Quelle est son adresse?
- Quels recours en cas de faillite?
- Déclarez votre créance et demandez éventuellement un relevé de forclusion
- L'action en responsabilité personnelle contre le dirigeant.
- Déposer plainte contre l'entrepreneur
Comment savoir si mon entreprise a fait faillite?
Vérifiez dans un premier temps sur Infogreffe
Saisissez simplement le nom ou le SIRET de l’entreprise et cochez la case « entreprise radiée »:
NB: L’accès à certaines informations peut être payant (mais très abordable: moins d’une dizaine d’euros).
Si une procédure est ouverte (liquidation et/ou cessation de paiement ou dépôt de bilan), vérifiez la date du jugement. Elle est mentionnée sur la publication.
Vous avez deux mois à compter de la publication du jugement d’ouverture au BODACC1Bulletin Officiel Des Annonces Civiles et Commerciales pour envoyer une lettre recommandée au mandataire en charge de représenter les créanciers et lui signaler, documents à l’appui, la situation.
Oui, mais comment s’appelle ce mandataire? Quelle est son adresse?
Ici encore, rien de plus simple.
Son nom ainsi que ses coordonnées sont mentionnées sur le jugement.
Le mandataire est en quelque sorte le tuteur de l’entreprise. Il est désigné par le Tribunal de commerce, paie les dettes et récupère (éventuellement) les sommes qui étaient dues à l’entreprise.
NB: Il existe également un « liquidateur amiable » dans l’hypothèse où ce sont les associés de la société qui décident de la liquidation.
Les recours dépendent de votre demande:
Quels recours en cas de faillite?
Cela dépend de ce que vous désirez obtenir:
Je veux l’exécution du contrat:
Il faudra le préciser dans le modèle de lettre au mandataire ou liquidateur judiciaire (ses coordonnées sont mentionnées sur le jugement publié sur Infogreffe);
En principe, le professionnel en liquidation a l’obligation de déclarer ses dettes ainsi que tous ses chantiers en cours au mandataire.
Toutefois, en pratique, l’entrepreneur néglige d’accomplir correctement certaines étape.
Notre recommandation: On est jamais trop prudent. Mentionnez l’existence des travaux et joignez les justificatifs à votre demande.
NB: Si vous demandez au mandataire l’achèvement de vos travaux, vous réclamez « l’exécution d’une obligation ». En effet, vous êtes juridiquement considéré comme un créancier, même le professionnel ne vous doit pas directement une somme d’argent.
Le courrier que vous enverrez constitue donc la « déclaration de créance ».
Le mandataire transmettra votre demande au juge-commissaire (qui acceptera ou refusera votre demande).
NB: L’absence de réponse durant un mois équivaut à un refus
Dans ce cas, le contrat sera alors définitivement (et automatiquement) rompu, ce qui vous permettra de récupérer les sommes versées:
Je veux récupérer les sommes versées
Si vous souhaitez récupérer les sommes versées immédiatement ou après le refus de votre demande d’exécution des travaux, il faudra expliciter cette demande et l’indiquer dans le courrier.
Je veux me protéger
Et éviter de me voir réclamer une somme correspondant au solde prétendument dû.
Cette situation peut en effet survenir dans l’hypothèse où l’entreprise avait commencé à effectuer des travaux avant de « disparaître ».
Le rôle du mandataire étant de récupérer les créances de l’entreprise, il pourrait déduire des documents en sa possession (devis) que vous êtes débiteur de l’entreprise.
Aussi, il est prudent de faire appel à un huissier de justice afin que ce dernier puisse constater l’état d’avancement des travaux.
Déclarez votre créance et demandez éventuellement un relevé de forclusion
Très utile et peu connue, cette demande fait office de « session de rattrapage » dans l’hypothèse où vous avez tardé à faire valoir votre demande et que le délai de deux mois permettant de déclarer votre créance est expiré.
Si la barrière du temps s’est refermée sur vos doigts, vous pouvez appuyer sur le bouton d’urgence pour qu’elle se relève (et la forclusion avec).
Vous avez ainsi six mois pour vous signaler. Le délai de six mois débute à compter de la date du jugement.
Vous devez expliquer, dans votre courrier que:
- Votre « défaillance » n’est pas de votre fait.
- Vous pouvez également expliquer que votre retard est dû au comportement du débiteur (l’entreprise) qui , en omettant de vous aviser de la liquidation2Article L622-26 du Code de commerce.
De façon exceptionnelle, le délai est allongé à un an.
Le délai court alors compter de la date à laquelle il est établi que vous ne pouviez ignorer l’existence de votre créance.
Il faudra donc impérativement établir que vous n’étiez pas avisé de la procédure visant le professionnel.
Toutefois, le consommateur (que vous êtes) doit faire la queue.
Et dans cette queue il existe un ordre déterminé par le Code du commerce3 Article L643-8.
Certains sont considérés comme des V.I.P. (et traités comme tels).
Il en est ainsi:
- Des salariés
- De l’Etat
Le consommateur passe ainsi en dernier quand il s’agit de distribuer ce qu’il reste de l’actif.
Ainsi, lorsque le relevé de forclusion est accordé, le créancier ne peut que «concourir pour les distributions postérieures» à sa demande.
En clair, il prend les restes (si il en reste).
Ne vous découragez pas. De très nombreux cocontractants parviennent à leurs fins malgré ces obstacles.
L’action en responsabilité personnelle contre le dirigeant.
Dans certains cas bien délimités, vous pouvez demander des dommages-intérêts dans le cadre d’une action en responsabilité personnelle.
Les conditions sont très strictes.
Ce recours, recevable pour des faits commis avant le jugement d’ouverture, est possible uniquement su vous justifiez d’un préjudice personnel distinct de celui des autres créanciers éventuels du professionnel et résultant d’une faute séparable de ses fonctions de dirigeant 4Cour de cassation 7 mars 2006 no 04-16.536.
Une faute intentionnelle du professionnelle semble requise.
Exemple pour un abandon de chantier: voir Cour de cassation 9 juillet 2020 n° 18-21.552.
Dans cette affaire, le gérant avait volontairement « berné » ses clients en les convaincant que la banque leur demandait des documents abusivement (en l’occurrence la garantie que le bien devait être livré dans le délai et au prix convenu..);
L’administration (le mandataire ou le procureur) peut par ailleurs elle-même poursuivre le dirigeant en « aggravation du passif5Article L641-4 du Code du commerce« .
Déposer plainte contre l’entrepreneur
Il est possible de déposer plainte contre l’entrepreneur. Attention, s’il est possible de déposer plainte pour abus de confiance, cette infraction n’est pas la plus adaptée!
Porter plainte pour escroquerie reste souvent l’infraction la plus adaptée. Le code pénal est en effet clair: L’abus de confiance n’est caractérisé que si la somme versée avait initialement vocation à être restituée. Voir nos explications
Cette possiblité n’est toutefois pas systématique.
Cet article et les modèles de lettres sont proposés à des fins d’information juridique et ne remplacent pas les conseils personnalisés d’un avocat.
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