La procédure de licenciement pour inaptitude
- Qu'est-ce que l'inaptitude?
- Comment est payé un salarié en inaptitude ?
- Quelles sont les indemnités dues en cas de licenciement pour inaptitude ?
- La procédure de licenciement pour inaptitude
Qu’est-ce que l’inaptitude?
L’inaptitude est l’incapacité de travailler ou d’effectuer certaines tâches devant être normalement accomplies dans le cadre de l’exécution du contrat de travail.
Elle peut avoir pour origine une cause qui n’est pas liée au travail (ou qui n’est pas reconnue comme telle). On parle alors « d’inaptitude d’origine non professionnelle ».
Elle peut avoir pour origine le travail. On parle alors « d’inaptitude d’origine professionnelle ».
Il en est ainsi lorsqu’un salarié est victime d’un accident du travail ou est affecté d’une maladie liée à l’exercice de sa profession (maladie professionnelle).
Dans les deux cas, la CPAM doit avoir reconnu le caractère professionnel de la maladie ou de l’accident.
Cette reconnaissance formelle est notifiée au salarié ainsi qu’à l’employeur par courrier.
L’incapacité peut ainsi être:
- temporaire partielle (ITP) ou temporaire totale (ITT).
- permanente partielle (IPP) ou permanente totale (IPT).
L’incapacité peut aboutir à une déclaration d’inaptitude.
L’inaptitude est déclarée lorsqu’aucune mesure d’aménagement ou d’adaptation du poste de travail actuel n’est possible.
L’employeur doit alors vous proposer un reclassement sur un autre poste au sein de l’entreprise (ou du groupe auquel appartient l’entreprise).
Le reclassement de salarié est parfois exclu: Soit parce qu’il est impossible, soit parce que le salarié le refuse soit enfin parce que le médecin du travail considère que la santé du salarié y fait obstacle.
Dans ces trois situations, l’employeur peut ainsi engager une procédure de licenciement.
NB: Seul le médecin du travail peut reconnaitre l’inaptitude professionnelle du salarié.
Il ne faut pas confondre l‘inaptitude à exercer un poste particulier et l’invalidité; Ces notions sont différentes, distinctes et indépendantes. Un salarié invalide peut très bien être apte à exercer ses fonctions sur un poste précis. L’invalidité est constatée par le Médecin-conseil de la sécurité sociale. Elle est constatée lorsqu’un accident ou une maladie non-professionnelle réduit d’au moins deux tiers la capacité de travail et de gain du salarié. Elle ouvre droit à une pension d’invalidité destinée à compenser une perte de salaire. |
Comment est payé un salarié en inaptitude ?
Entre les deux visites médicales:
- Lors de la première visite médicale, le salarié peut être déclaré temporairement apte au travail ou apte avec réserves.
Dans ce cas, si le médecin du travail a préconisé dans l’avis qu’un reclassement ou un aménagement de poste devait être envisagé et qu’une telle solution ne peut pas être mise en œuvre immédiatement, l’employeur doit, en attendant de pouvoir la mettre en œuvre, procéder au versement du salaire.
Autrement dit, durant ce laps de temps, l’employeur a l’obligation de commencer à rechercher un reclassement adapté à l’état de santé de son salarié et/ou d’aménager son poste tout en le rémunérant normalement.
En effet, la Cour de cassation a estimé que l’employeur ne pouvait être dispensé de payer leur rémunération aux salariés qui se tiennent à sa disposition « que s’il démontre qu’une situation contraignante l’empêche de fournir du travail1Cour de Cassation, Chambre sociale, du 12 juillet 2006, 04-46.290, Inédit« .
La recherche de poste de adapté n’est pas une situation contraignante.
- Lors de la première visite médicale, le salarié peut ainsi être déclaré temporairement inapte.
En cas de déclaration d’inaptitude, l’employeur n’a pas à régler le salaire du salarié.
Le salarié déclaré déclaré inapte ne perçoit plus de maintien de salaire entre la première et la seconde visite de reprise.
En effet, le contrat de travail n’est plus suspendu par l’arrêt maladie dès le jour de la visite médicale de reprise.
Le salarié lésé par l’organisation tardive d’une seconde visite par l’employeur pourra ultérieurement obtenir des dommages et intérêts.
En cas d’arrêt de travail
Toutefois, si le salarié obtient un nouvel arrêt de travail entre les deux visites, l’employeur devra alors lui verser un complément de salaire.
Le versement du complément sera subordonné à la condition que le salarié n’ai pas dépassé la durée totale d’indemnisation prévue par la convention collective ou, à défaut, la loi.
NB: Un salarié peut également poser des congés payés à l’issue de la seconde visite médicale.
Tout savoir sur le licenciement pour inaptitude: Notre guide
Lors de la seconde visite, si le salarié est déclaré inapte et qu’une procédure de licenciement semble nécessaire, soit en raison du refus de poste par ce dernier, soit parce que l’employeur est dispensé de rechercher un reclassement ou parce qu’un tel reclassement s’avère impossible (trop coûteux par exemple), il percevra, en fonction de la rapidité de son employeur, ses indemnités de licenciement.
Après l’avis d’inaptitude
L’employeur dispose d‘un mois pour licencier le salarié ou reprendre le paiement de son salaire.
Ce délai d’un mois court à compter de l’avis d’inaptitude, (soit, généralement à compter de la deuxième visite2Cour de cassation 28 janv. 1998) laquelle peut avoir lieu jusqu’à 15 jours après la première.
NB : Le versement du salaire doit être repris même en cas d’arrêt de travail entre les deux visites médicales. |
Dans le cas d’une inaptitude, le salarié (sans arrêt maladie) peut ainsi se voir priver de salaire durant un mois et demi.
Cette situation est ainsi particulièrement dommageable pour ce dernier.
Elle ne peut se cumuler qu’avec certaines primes exceptionnelles ou dues au titre d’une période antérieure.
La circulaire n°DSS/SD2C/2010/240 du 01 juillet 2010 prévoit les modalités et conditions de cette indemnité:
Le Cerfa n°14103 doit être complété par le médecin du travail.
Dans le cas de la maladie professionnelle, l’indemnité temporaire peut être versée y compris en cas de rechute. Le caractère professionnel de l’accident ou de la maladie doit par ailleurs avoir fait l’objet d’une reconnaissance par la CPAM. et avoir donné lieu à un arrêt de travail indemnisé. |
Quelles sont les indemnités dues en cas de licenciement pour inaptitude ?
Indemnités de licenciement pour inaptitude non professionnelle
Le salarié dont le licenciement fait suite à une inaptitude qui n’est pas d’origine professionnelle a droit à:
- L’indemnité légale de licenciement :
Cette indemnité est prévue pour le salarié en C.D.I justifiant d’au moins 8 mois d’ancienneté ininterrompus au service du même employeur3Article L1234-9 du Code du travail.
Accéder au calcul détaillé des indemnités de licenciement
OU
- L’indemnité conventionnelle de licenciement
Souvent prévue par la convention collective, elle doit être versée au salarié si elle est plus avantageuse que l’indemnité légale.
ET
- L’indemnité compensatrice de congés payés (pour les congés payés acquis et non pris à la date de la rupture du contrat de travail).
En cas d’inaptitude non professionnelle, le salarié ne perçoit donc pas d’indemnité compensatrice de préavis.
Toutefois, la durée de préavis qu’il aurait dû effectuer est prise en compte pour le calcul de l’indemnité légale de licenciement.
Le salarié inapte a également droit à une indemnité compensatrice de congés payés pour les congés payés acquis et non pris à la date de la rupture du contrat de travail.
Aucune indemnité de préavis n’est versée au salarié en cas d’inaptitude d’origine non professionnelle:
Le salarié dont l’inaptitude n’a pas une origine professionnelle ne perçoit donc pas les indemnités de préavis (ni les congés payés afférants) et ce, même si l’employeur n’a procédé ni au licenciement du salarié, ni à la reprise du paiement de son salaire dans le mois suivant l’avis d’inaptitude4Cour de cassation 05 juillet 2023 – n°21-25-797 .
Seule l’inaptitude d’origine professionnelle permet le versement du préavis, même non effectué.
Indemnités de licenciement pour inaptitude professionnelle
Le salarié dont le licenciement fait suite à une inaptitude d’origine professionnelle a droit à une indemnité compensatrice de préavis + une indemnité spéciale de licenciement + une indemnité compensatrice de congés payés.
L’indemnité spéciale de licenciement
Elle correspond:
- Au double de l’indemnité de licenciement légale5Article R1234 du Code du travail
OU
- Au double de l’indemnité de licenciement conventionnelle
OU
- A la somme de l’indemnité légale + l’indemnité conventionnelle
Pour déterminer le montant de l’indemnité spéciale, il convient de calculer d’abord l’indemnité prévu par la convention collective (dite « conventionnelle ») avant de la comparer à l’indemnité légale.
Si l’indemnité conventionnelle reste supérieure à l’indemnité légale, même en doublant cette dernière, il faudra ainsi payer au salarié:
- L’indemnité conventionnelle + l’indemnité légale X 2
Certaines conventions collectives peuvent prévoir le doublement de l’indemnité conventionnelle elle-même. Le coût pour l’employeur sera souvent supérieur en cette hypothèse.
Conséquences du refus de poste abusif sur le montant des indemnités:
Lire également: Le refus par le salarié du poste de reclassement
En cas de refus de poste abusive, le salarié dont le licenciement a une origine professionnelle pourra se voir priver de son indemnité spéciale.
Conséquences du refus de poste abusif sur la reprise du paiement du salaire:
La reprise du paiement du salaire est obligatoire et ce, même en cas de refus abusif d’un poste de reclassement6Cour de cassation, 7 déc. 1999, n°97-43.775.
La procédure de licenciement pour inaptitude
Sauf urgence particulière liée à l’état de santé du salarié, la déclaration d’inaptitude se déroule en cinq temps:
Le constat de l’inaptitude par la médecine du travail: Première visite médicale
Le premier rendez-vous peut être effectué à l’occasion d’une visite médicale obligatoire (examen d’information et de prévention7Article R4624-10 du Code du travail, visite périodique obligatoire, visite de reprise après un arrêt de travail8Article 4624-31 du Code du travail, examen médical d’aptitude à l’embauche pour les postes présentant des risques pour la santé et/ou la sécurité du salarié et soumis à Suivi Individuel Renforcé9Article 4624-22 du Code du travail) ou non (visite de pré-reprise).
Le salarié peut déclencher la procédure d’inaptitude lors d’une visite médicale obligatoire ou non et ce, y compris pendant un arrêt de travail10Cour de cassation, 24 mai 2023; pourvoi n°22-10.517
Le médecin du travail examine le salarié et le convoque à une seconde visite.
NB: En cas d’urgence, une seule visite est possible
La seconde visite médicale
Elle est obligatoire si le médecin du travail « estime un second examen nécessaire pour rassembler les éléments permettant de motiver sa décision ».
L’intervalle entre les deux visites permet également un temps d’échange entre l’employeur et la médecine du travail. L’employeur peut alors présenter ses observations. L’écrit n’est pas obligatoire.
En ce cas, il « réalise ce second examen dans un délai qui n’excède pas quinze jours après le premier examen11Article 4624-42 du Code du travail« .
Cette seconde visite est déterminante: A ce stade, trois possibilités:
Le médecin du travail peut décider que le salarié est apte. Il peut également prononcer une aptitude avec réserves.
NB: En cas de déclaration d’inaptitude, les motifs de la décision ne sont pas communiqués à l’employeur.
Les motifs devront être : « tout maintien du salarié dans l’entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé » ou « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi ».
Attention : Le médecin du travail peut aussi rendre une décision d’inaptitude partielle. Dès lors, il est envisageable qu’un employeur décide de proposer à un salarié un mi-temps thérapeutique.
Consultation du CSE
Toutes les propositions de postes de reclassement, avant leur transmission au salarié devront figurer à l’ordre du jour de la prochaine réunion.
La consultation, obligatoire, ne lie toutefois pas l’employeur
Si le licenciement concerne un salarié protégé, le CSE devra être consulté immédiatement après l’entretien préalable de licenciement et avant l’autorisation effectuée à l’inspection du travail.
Le CSE doit également être consulté y compris si l’employeur ne propose aucun poste.
Le non-respect de cette obligation de consultation rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
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Les informations et outils juridiques ne remplacent pas la consultation d’un avocat.
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