Mes enfants seront-ils tenus de mes dettes?

Attention: sujet macabre (mais quand faut y aller…)

A mon décès, mes enfants seront-ils tenus de mes dettes?

Serai-je tenu.e des dettes de mon père ou de ma mère?

Vous avez souscrit un (ou plusieurs) crédits, vous êtes débiteur (de l’Etat, d’un organisme ou même d’un particulier) et vous souhaitez savoir si ces dettes vont peser sur vos descendants durant des générations et des générations à la manière d’une malédiction interminable?

Vous savez, sans forcément connaitre les détails, que votre père ou votre mère n’avait pas vraiment fini de régler son crédit?

En bref, vous souhaitez savoir si les dettes se transmettent aux enfants?

La réponse est non, sauf si la succession est acceptée (et ça peut aller plus vite que l’on ne croit).

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Explications et précisions:

Au décès, la dette ne s’évapore pas.

Ainsi, si vous avez été condamné.e à payer 2000 euros, vous devrez toujours 2000 Euros.

Sauf que dans la mesure où vous êtes décédé.e, vous imaginez bien que le commissaire de justice (anciennement « huissier de justice« ) ne va pas venir frapper à la porte de votre cercueil avec sa petite mallette.

« Je ne vous dérange pas? »

huissier de justice vient saisir les enfants

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Non. Le commissaire de justice suivra la dette, laquelle se sera collée, tel un chewing-gum têtu, à tous vos biens, si vous en aviez et tels qu’ils soient (comptes bancaires, véhicule, mobilier etc)..

Et devinez qui est censé recueillir les biens du défunt?

BINGO : Les enfants et le conjoint.e (pacs ou mariage).

En terme juridique, les dettes vont entrer au passif successoral de la succession et seront transmises aux ayants-droits par l’effet de la succession.

NB: Cet article n’évoque pas en détail les droits du conjoint du défunt. Ce dernier est tenu des dettes, y compris en cas de renonciation dans le cas où il était co-emprunteur.

Dans ce cas, inévitable, les ayants-droits ont trois réponses possibles face à ce sac de dettes plus ou moins chargé qu’ils reçoivent au décès:

L’accepter

Le refuser

L’accepter sous réserves

Accepter la succession équivaut à accepter toutes les dettes

Si l’ayant-droit accepte la succession (on parle d' »acceptation pure et simple »), il sera tenu personnellement de toutes les dettes du défunt (et de ses actifs également s’il y en avait).

Dans l’hypothèse où il existe plusieurs ayants droits, chacun ne devra qu’à proportion de ses droits.

Exemple: Le défunt devait 5000 euros; Il avait deux enfants. S’ils acceptent tous les deux la succession, ils devront chacun 2500 euros, puisqu’ils ont vocation à hériter de la moitié de la masse successorale chacun.

L’article 785 du Code civil est angoissant:

« L’héritier universel ou à titre universel qui accepte purement et simplement la succession répond indéfiniment des dettes et charges qui en dépendent ».

L’héritier est, par ailleurs tenu « ultra vires », ce qui signifie qu’il est tenu « au delà des forces de la succession » donc de manière illimitée, y compris sur son compte bancaire.

Par ailleurs, plus de retour en arrière une fois la succession acceptée: La dette du défunt devient définitivement la dette de l’ayant-droit et son remboursement pèse sur lui.

dettes du défunt

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C’est grave et irrévocable.

Voilà pourquoi l’acceptation doit être, en principe, expresse, c’est à dire écrite.

Un simple acte sous seing privé (= un courrier) suffit. Le notaire n’est en effet pas obligatoire pour effectuer cette démarche.

Certains ayants-droits peuvent commettre des erreurs:

Accepter une succession sans le vouloir

Cela peut en effet arriver lorsque l’ayant droit se comporte comme un héritier.

Dans ce cas, il sera considéré comme tel. L’ignorance de cette règle peut conduire à des conséquences indésirables:

  • Il en est ainsi lorsque l’héritier se présente comme tel auprès d’un créancier (dans un mail ou un courrier):

« Bonjour, Monsieur, je vous contacte en qualité d’héritier de Monsieur X ».

Le créancier du défunt, qui se trouvait fort dépourvu depuis le décès de son obligé, pourra parfaitement se saisir de cette occasion inespérée pour recouvrer sa créance.

  • Il en est également ainsi si l’héritier reçoit un courrier (d’un créancier ou d’un autre héritier) dans laquelle il est sommé de se décider, c’est à dire d’opter et qu’il laisse passer le temps:

A défaut de réponse dans les deux mois, il sera considéré comme ayant accepté la succession (et les dettes)1Articles 771 et 772 du Code civil.

NB: Dans ce cas, il peut solliciter un délai supplémentaire devant le tribunal judiciaire qui pourra lui accorder un délai supplémentaire.

  • Il en est ainsi enfin si l’héritier vend ou donne l’un des biens du défunt.

Vendre ou donner constitue en effet en un acte de « disposition ».

Disposer d’un bien équivaut à se comporter comme un propriétaire et sous-entend ainsi une acceptation tacite.

L’article 783 du Code civil est clair (pour une fois):

 » Toute cession, à titre gratuit ou onéreux, faite par un héritier de tout ou partie de ses droits dans la succession emporte acceptation pure et simple« .

Avant de vendre (ou de donner), il reste donc (très) prudent de demander l’autorisation du juge afin que cela ne soit pas considéré comme une acceptation tacite2Article 784 alinéa 2 du Code civil.

Bon à savoir: Le juge compétent est celui qui siège au tribunal judiciaire du dernier domicile du défunt3Article 720 du Code civil et Article 45 du Code de procédure civile.

Ces trois « erreurs » peuvent constituer une marque d’acceptation tacite.

Vous pouvez malgré tout :

  • Payer les frais funéraires et de dernière maladie
  • les impôts
  • les loyers
  • les dettes urgentes
  • Recouvrir les loyers (ou les produits de la vente de certains biens périssables) dans la mesure où les fonds ont servi à éteindre certaines dettes ou ont été déposés chez un notaire ou consignés ;

La session de rattrapage en cas de découverte de dettes ignorées.

Je vous ai dit que l’acceptation était irrévocable.

Toutefois, le législateur4Article 786 du Code civil a sûrement compris que chaque famille a ses petits secrets et qu’il n’était pas juste de piéger ceux qui les ignoraient.

Aussi, si l’héritier découvre une dette qu’il avait des raisons légitimes d’ignorer (« papa avait une maîtresse ») au moment où il a accepté et que cette dette risque de porter gravement atteinte à son patrimoine, il a alors cinq mois pour saisir le tribunal judiciaire et demander à en être déchargé.

Cette procédure (la « demande de décharge judiciaire ») est également possible si un créancier se manifeste tardivement et ne justifie pas s’être fait connaître.

C’est le juge qui décidera alors si la décharge est totale et/ou partielle.

NB: Le délai de cinq mois commence à courir à partir du moment où l’héritier a appris l’existence de la dette cachée.

De façon exceptionnelle, l’héritier peut se rétracter en cas de vice de consentement (héritier menacé ou victime de pressions).

L’acceptation à concurrence de l’actif net: « Oui si »

En cas de décès, passé le choc, il faut prendre des décisions et tout n’est pas toujours clair.

Le défunt était-il à jour de ses paiements?

Ces questions sont essentielles et il est possible d’accepter la succession uniquement après vérification du patrimoine de ce dernier.

Cette solution est prudente, idéale mais a des inconvénients:

  • La procédure est (un peu) fastidieuse:

Il faudra déclarer l’acceptation (Voir le CERFA 15455*03 Acceptation de succession à concurrence de l’actif net).

  • Le coût: Il faudra payer l’annonce au journal d’annonce légale (Le prix est est calculé en fonction du nombre de caractères (environ 0,180 euros le caractère) et tient compte du département concerné5Article 2 de l’arrêté du 19 novembre 2021) + les émoluments d’un commissaire priseur, d’un commissaire de justice ou d’un notaire afin de réaliser un inventaire.

S’il est opté pour cette solution, l’ayant-droit ne pourra plus renoncer à la succession. En revanche, il pourra toujours l’accepter.

La renonciation

L’inconvénient de ce choix est sa cruauté:

En effet, en cas de renonciation à la succession, l’héritier renonçant ne pourra même pas (en principe) recueillir les objets du défunts, y compris ceux ayant un caractère sentimental.

Cette situation peut être douloureuse lorsque l’héritier souhaite entrer au domicile du défunt si ce dernier était locataire.

Prendre le moindre objet pourrait, par ailleurs être considéré comme une acceptation tacite..

Pour renoncer, il convient de compléter le CERFA n°15828*05 de renonciation à succession et de déposer au Greffe du tribunal judiciaire dans les quatre mois suivant le décès.

EN CONCLUSION

L’enfant n’est pas tenu des dettes de ses parents.

Dans la mesure du possible, il reste préférable d’anticiper plutôt que de découvrir toutes les subtilités des règles au plus mauvais moment.

Le notaire n’est pas toujours obligatoire dans le cadre d’une succession (notamment si celle ci est inférieure à 5 000 euros et qu’il n’y a ni bien immobilier ni testament).

Toutefois, si vos moyens vous le permettent, il peut être préférable d’y faire appel: Les règles successorales sont en effet particulièrement techniques.

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