Congés payés et droits du salarié.
Collègue prioritaire, modification de dernière minute, discrimination..
Votre valise est bouclée et vos lunettes de soleil sont déjà sur votre nez.
Vous avez soumis à votre employeur vos date de congés et ce dernier vous préfère Bénédicte la feignasse.
Elle a posé les même dates que les les vôtres mais doit justement s’occuper de sa tante malade cet été.
Qui a la priorité?
Coup de projecteur sur l’ouverture de la saison des rancœurs:
L’employeur a un pouvoir de direction. Cela signifie qu’il gère son entreprise et ses salariés, au nom de l’intérêt de son entreprise et du lien de subordination existant entre lui et ses salarié.
Toutefois, il ne peut pas, au nom de ce pouvoir, faire obstacle de manière abusive au droit du salarié à prendre ses congés.
Ce droit est en effet un principe de droit communautaire revêtant une importance particulière1CJUE 21 juin 2002 C-78/11.
Dans certains cas, l’employeur n’a pas le choix: il doit vous accorder le nombre de jours que vous souhaitez, à la date que vous demandez.
Dans d’autres situations, l’employeur peut vous refuser une demande de congé à la date que vous souhaitez, mais pas pour n’importe quel motif et en respectant certains critères.
S’il ne respecte pas l’une ou l’autre de ces exigences, son refus peut être considéré comme abusif.
Enfin, l’employeur ne peut plus modifier la date de vos congés s’il les a accepté sauf si il les modifie plus d’un mois avant ou en cas de circonstances particulières.
Dans ces cas, il doit vous indemniser.
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- Collègue prioritaire, modification de dernière minute, discrimination..
- Cas où l'employeur ne peut refuser ni la date ni le nombre de jours d'une demande de congé
- Cas où l'employeur peut refuser la date de vos congés.
- Le cas des congés refusés pour un motif discriminatoire
- Cas où l'employeur peut modifier la date des congés
- Le silence de l'employeur sur la demande de congé du salarié vaut acceptation
Cas où l’employeur ne peut refuser ni la date ni le nombre de jours d’une demande de congé
L’article L 3142-1 du Code du travail prévoit un droit à congé dans les cas d’évènements familiaux suivants:
- mariage,
- pacs,
- mariage d’un enfant
- naissance pour le père (ou conjoint/concubin de la mère)
- décès d’un membre de votre famille (enfant2ce délai est porté à 8 jours:Article 3142-1-1 du Code du travail, conjoint/concubin/partenaire lié par un pacte civil de solidarité, père, mère, beau-père, belle-mère, frère sœur).
Ce droit à congé est un minimum. La convention collective prévoit souvent davantage et pour des évènements supplémentaires.
Exemple: La convention collective « Hôtels, cafés, restaurants » prévoit un droit à congé de quatre jours en cas de mariage du salarié.
Vérifiez donc systématiquement votre convention collective.
Cas où l’employeur peut refuser la date de vos congés.
Si deux collègues choisissent les mêmes dates de congés, qui sera prioritaire?
Il faut distinguer la période de prise de congé et les dates que le salarié demande:
- la période de congé:
Elle comprend obligatoirement la période comprise entre le 1er mai et le 31 octobre. La convention collective peut prévoir que cette période peut s’étendre au delà (ou débuter avant)
L’employeur ne peut pas refuser de vous accorder au moins 12 jours consécutifs pendant la période obligatoire. Un tel refus pourra être considéré comme abusif.
- la date des départs
Certains salariés ont une priorité sur leurs collègues (non seulement sur les dates choisies mais également sur le nombre de jours demandés):
Cet ordre des départs n’est pas arbitraire et est fixé par la convention collective ou l’accord d’entreprise ou le CSE3Article L3141-15.
NB: Le numéro de votre convention collective est (obligatoirement) mentionnée sur votre bulletin de salaire et téléchargeable (gratuitement) sur le site. L’accord d’entreprise consultable sur internet, sur le lieu de travail et à la direction départementale en charge de l’emploi, du travail et des solidarités (DDETS ou DDETSPP).
Il est communiqué par tout « moyen accessible » à tous les salariés et se fait en pratique via un planning.
En pratique, la période de prise des congés et l’ordre des départs sont souvent prévus dans le même accord d’entreprise (si accord d’entreprise il y a).
Si la convention collective ou l’accord d’entreprise ne prévoient rien, la loi prévoit que les critères que l’employeur devra prendre en compte sont les suivants4Article L 3141-16 du Code du travail:
- situation de famille du salarié et notamment les possibilités de congé, dans le secteur privé ou la fonction publique, du conjoint ou du partenaire(PACS), ainsi que la présence au sein du foyer d’un enfant ou d’un adulte handicapé ou d’une personne âgée en perte d’autonomie,
- ancienneté,
- activité chez un ou plusieurs autres employeurs;
En pratique, l’employeur doit aviser les salariés de la période de prise de congés 2 mois avant l’ouverture de celle-ci5Article D3141-5 du Code du travail.
Votre employeur ne peut pas modifier les dates et l’ordre de départ de vos congés moins d’1 mois avant la date de départ prévue6Article D3142-6 du Code du travail (voire même davantage si la convention collective le prévoit7Article L3141-15 du Code du travail).
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Vous pouvez par ailleurs demander à votre employeur de prendre tout ou partie de vos congés payés par anticipation. Toutefois, votre employeur n’est pas obligé d’accepter.
En cas de refus des dates proposées, votre congé devra être pris à une autre date. Un employeur peut refuser plusieurs fois la date de congés que vous demandez: Il n’y a pas de limites sous réserves que son refus ne soit pas dicté par un motif discriminatoire:
Le cas des congés refusés pour un motif discriminatoire
ATTENTION, l’injustice n’est pas la discrimination.
Les motifs discriminatoires sont uniquement ceux listés par l‘article L1132-1 du Code du travail:
–origine, sexe, mœurs, son orientation sexuelle, identité de genre, âge, – situation de famille ou grossesse, -caractéristiques génétiques, apparence physique, -particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, -appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, opinions politiques, activités syndicales ou -mutualistes, exercice d’un mandat électif, convictions religieuses, -nom de famille, -lieu de résidence, domiciliation bancaire, -état de santé, perte d’autonomie ou handicap, -capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français, -qualité de lanceur d’alerte, de facilitateur ou de personne en lien avec un lanceur d’alerte |
Constitue ainsi une discrimination en raison de la situation de famille le fait, pour l’employeur, de volontairement refuser d’accorder des congés communs à deux salariés en couple et de modifier le planning de sorte que leurs horaires sont séparés8Décision du défenseur des droits n°2023-0001, 23 juin 2023- JO, 12 septembre 2023
Cas où l’employeur peut modifier la date des congés
Si des circonstances exceptionnelles le justifient, pour assurer la continuité du service, ou en cas de forte activité dans l’entreprise, l’employeur pourra modifier la date de vos congés, même moins d’un mois avant.
Autrement dit, il peut annuler vos congés
Si l’employeur ne justifie d’aucune de ces circonstances mais qu’il modifie la date de congé sans respecter ce délai de prévenance, il ne saurait sanctionner un salarié parti en congés9Cour de cassation 3 juin 1998 n° 96-41.700.
Exemple de circonstances exceptionnelles : Salarié décédé devant être remplacé10Cour de cassation 15 mai 2008 n° 06-44.354, commande importante, inattendue et de nature à sauver l’entreprise11Cour d’Appel de Chambery, 12 Décembre 1985.
ATTENTION: Le délai de prévenance est impératif. L’employeur doit le respecter même en cas de circonstances exceptionnelles. En effet, ces dernières peuvent être invoquées pour modifier des dates de départs déjà fixées mais pas pour leur fixation initiale. |
Si l’employeur modifie moins d’un mois avant la date des congés du salarié en invoquant des circonstances exceptionnelles, il devra dédommager ce dernier (frais d’avion, de location etc..).
Le silence de l’employeur sur la demande de congé du salarié vaut acceptation
Que vous deviez poser votre demande de congé sur un tableau de bord dédié ou non, la règle est la suivante: Si votre employeur ne vous refuse pas, par écrit, votre demande de congé et que vous partez en vacances malgré tout, il ne peut vous sanctionner ou vous licencier de ce fait.
En effet, en l’absence de réponse (ou de réponse expresse, ce qui est équivalent), le salarié a le droit de partir en congé sans être sanctionné12Cour de cassation, 6 avril 2022 n°20-22.055.
La Cour a ainsi rejeté le pourvoi de l’employeur qui avait licencié un vitrier parti en congé alors même que l’employeur n’avait pas donné son accord exprès:
« La Cour d’appel, qui a constaté que le salarié avait demandé l’autorisation de s’absenter le 27 juin 2016 et qu’il n’était pas établi que l’employeur avait expressément formulé un refus, en sorte que le salarié avait pu considérer que sa demande était acceptée, a pu décider que le salarié n’avait pas commis de faute ».
Cour de cassation, 6 avril 2022 n°20-22.055
Attention, si l’employeur a donné des consignes expresses par lesquelles il précise que la demande de congé devra être acceptée par écrit pour être validé, son silence ne vaudra pas refus.
Voir aussi: Congés payés et arrêt maladie: Quelle articulation?
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