Enregistrer son employeur à son insu ne porte pas atteinte à sa vie privée
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La chambre sociale de la Cour de cassation a récemment précisé que la preuve obtenue de façon déloyale peut être recevable à condition d’être indispensable à l’exercice de ce droit 1 Cour de cassation 17 janvier 2024, n°22-17.474:
« Dans un procès civil, l’illicéité ou la déloyauté dans l’obtention ou la production d’un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l’écarter des débats. Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d’éléments portant atteinte à d’autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi ».
L’employeur peut, quant à lui, filmer et enregistrer clandestinement son salarié si cet enregistrement est indispensable à prouver une faute du salarié et à condition que la méthode employée soit proportionnée au but poursuivi 2Cour de cassation 14 févr. 2024, n° 22-23.073;
En d’autres termes, hors de question d’engager un détective privé afin de prouver que le salarié a volé une banane dans le frigo de l’entreprise!
Un peu avant ces deux arrêts, le ton était déjà donné par la Cour de cassation3Cour de cassation 12 avril 2023; n° 22-83.581:
Dans cette affaire, un délégué syndical, (particulièrement impliqué dans ses missions d’élu) avait été choisi par le salarié afin de l’assister lors de son entretien préalable à un licenciement, dans un contexte de harcèlement moral à l’origine d’une inaptitude du salarié.
A cette occasion, il avait ainsi enregistré la conversation à l’insu de l’employeur.
Ce dernier avait déposé plainte (contre le délégué) sur le fondement de l’article 226-1, 1°, du Code pénal, (qui incrimine le fait, « au moyen d’un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui):
1° En captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ;
2° En fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé« .
La Chambre de l’instruction ayant prononcé un non-lieu, l’employeur avait alors formé un pourvoi en cassation.
Les juges ont suivi la cour d’appel, considérant que l’entretien entrait dans le cadre de la seule activité professionnelle du plaignant, et que, dès lors, l’enregistrement n’était pas de nature à porter atteinte à l’intimité de sa vie privée, quand bien même les propos enregistrés qu’il incrimine auraient été tenus dans un lieu privé.
Enregistrer son employeur constitue ainsi une preuve déloyale recevable, si l’enregistrement a pour objectif de prouver l’existence d’une autre infraction (en l’espèce un harcèlement);
Ainsi, il n’est pas possible pour le salarié d’enregistrer son employeur à son insu dans la mesure où il peut prouver son harcèlement moral d’une autre façon.
Dans une autre affaire, dans laquelle une collègue « amie » sur le compte Facebook privé d’une salarié avait transmis spontanément un mail à son employeur afin de l’informer des activités de sa collègue, qui transmettait à des concurrents des informations confidentielles sur l’entreprise.
La Cour de cassation avait déjà estimé que s’il existait une atteinte à la vie privée de la salariée, celle-ci était indispensable à l’exercice du droit à la preuve et proportionnée au but poursuivi, soit la défense de l’intérêt légitime de l’employeur à la confidentialité de ses affaires4Décision – Pourvoi n°22-83.581 | Cour de cassation.
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