
Mise à pied conservatoire: Dois-je (et puis-je) renvoyer le salarié chez lui immédiatement?
Un salarié a commis une faute grave dans votre entreprise ? La tentation de réagir « à chaud » et de l’écarter rapidement pour éviter toute perturbation est compréhensible.
Pourtant, ce réflexe peut vous coûter très cher si la procédure est mal menée.
D’autant plus que pendant la mise à pied conservatoire, le salarié ne doit pas être rémunéré
Il faut agir très vite et très bien.
Exemple : Le mardi matin, un salarié est surpris en train d’insulter violemment un collègue devant d’autres employés. L’ambiance devient immédiatement tendue dans l’équipe. Vous, en tant qu’employeur, estimez qu’il est impossible de le laisser continuer à travailler sur place dans l’état actuel.
❌ Ce qu’il ne faut pas faire :
Vous lui dites de rentrer chez lui « en mise à pied conservatoire » sans rien formaliser, et vous attendez une semaine pour envoyer une convocation à un entretien préalable.
➡️ Résultat probable : Le salarié peut contester la mise à pied. Le juge peut considérer que c’était une sanction déguisée, car vous n’avez pas enclenché la procédure disciplinaire dans un délai raisonnable. Le licenciement pourrait alors être annulé, et vous seriez contraint de lui verser des salaires pour la période de mise à pied.
✅ Ce qu’il faut faire :
Le jour même ou le lendemain au plus tard, vous :
- Envoyez une lettre de mise à pied conservatoire ;
- Dans le même courrier ou juste après, vous convoquez le salarié à un entretien préalable à une sanction pouvant aller jusqu’au licenciement.
➡️ Résultat : Vous montrez que la mise à pied est strictement liée au déclenchement de la procédure, ce que la jurisprudence exige (Cass. soc., 6 déc. 2023, n° 22-10.558). La procédure est solide, même si le salarié conteste ensuite devant le Conseil de prud’hommes.
Scénario 1 : Le salarié peut rester au travail pendant la journée
Lorsqu’une faute est considérée comme grave mais qu’elle ne compromet pas immédiatement le fonctionnement de l’entreprise ou la sécurité, l’employeur peut décider de laisser le salarié continuer à travailler jusqu’à la mise en œuvre de la procédure disciplinaire, notamment l’entretien préalable.
Exemple de jurisprudence – Insultes envers un supérieur hiérarchique :
Un salarié traite un supérieur hiérarchique de « S… C….. ».
Cette faute est grave, mais elle ne met pas en danger la sécurité des autres salariés ni l’intégrité immédiate de l’entreprise.
Dans ce cas, l’employeur peut choisir de laisser le salarié travailler pendant la journée ou jusqu’à la convocation, et décider plus tard s’il appliquera une mise à pied conservatoire, selon l’évolution de la situation.Un arrêt de la Cour de cassation (Cass. soc., 10 février 2010, n°08-43.314) tout en confirmant la mise à pied a toutefois estimé que l’employeur n’avait pas à mettre immédiatement à pied le salarié, s’il ne risquait pas de perturber le travail ou de nuire à l’entreprise dans l’immédiat.
Scénario 2 : Le salarié ne peut pas rester au travail
Dans certains cas, si la faute est particulièrement grave (par exemple, mettant en danger la sécurité des salariés ou de l’entreprise), l’employeur peut décider d’écarter immédiatement le salarié de son poste et d’ouvrir une procédure de mise à pied conservatoire.
Si un salarié commet une faute grave, comme ne pas respecter les règles de sécurité qui mettent en danger la vie ou l’intégrité des autres employés, l’employeur peut immédiatement décider de ne pas laisser le salarié continuer à travailler pendant la journée, surtout si cela présente un risque pour l’entreprise ou pour les autres salariés.
La jurisprudence a estimé qu’un employeur pouvait immédiatement renvoyer chez lui un salarié qui avait utilisé de manière irresponsable des équipements de travail dangereux, ce qui pouvait mettre en danger ses collègues (Cass. soc., 15 janvier 2003, n°01-41.315).
Dans ce cas, l’employeur a dû prendre la décision de ne pas laisser travailler le salarié, car sa présence constituait un risque immédiat pour l’entreprise.
Comment décider si le salarié peut rester ou non ?
L’employeur doit analyser les conséquences de la faute :
Si la faute est d’une gravité extrême, par exemple une insubordination flagrante ou une violation des règles de sécurité qui met en péril l’entreprise, l’employeur peut décider de mettre immédiatement à pied le salarié et de l’écarter du travail jusqu’à ce que l’entretien préalable ait lieu.
Si la faute n’a pas d’impact immédiat sur le bon fonctionnement de l’entreprise ou la sécurité des autres, il peut laisser le salarié travailler et mettre en œuvre la procédure disciplinaire (y compris la mise à pied conservatoire) après un temps d’analyse.