Le refus de réintégration du salarié protégé après une mise à pied conservatoire

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La mise à pied conservatoire du salarié protégé : deux situations à distinguer absolument

Lorsqu’un salarié bénéficie d’un statut protecteur (délégué syndical, membre du CSE, représentant du personnel, etc.), son licenciement ne peut intervenir qu’avec l’autorisation préalable de l’inspection du travail (article L. 2421-1 du Code du travail).
En cas de faute grave présumée, l’employeur peut décider de l’écarter immédiatement de l’entreprise en prononçant une mise à pied conservatoire.

Mais attention : derrière cette expression se cachent en réalité deux situations juridiques très différentes, qu’il est essentiel de bien comprendre.


1. La mise à pied conservatoire en attente de la décision de l’inspection du travail

Un salarié écarté provisoirement

La mise à pied conservatoire n’est pas une sanction. C’est une mesure d’attente qui permet à l’employeur de maintenir le salarié protégé à l’écart de l’entreprise le temps que l’inspection du travail statue sur la demande d’autorisation de licenciement.

En pratique :

  • L’employeur doit saisir l’inspection du travail dans les 48 heures qui suivent la mise à pied (C. trav., art. L. 2421-1).
  • Tant que l’autorité administrative n’a pas tranché, le salarié ne revient pas travailler.

Conséquences de la décision administrative

  • Si l’autorisation est accordée : le licenciement peut être notifié, la mise à pied conserve son effet provisoire.
  • Si l’autorisation est refusée : la mise à pied est annulée rétroactivement. Le salarié doit être réintégré et percevoir l’intégralité des salaires dont il a été privé.

👉 Même si la loi n’impose pas de formalisme particulier, un courrier écrit est fortement recommandé pour confirmer au salarié qu’il reste écarté de l’entreprise en attendant la décision. Cela évite toute ambiguïté et sécurise la procédure.


2. Le refus de réintégrer le salarié protégé malgré un refus d’autorisation de licenciement

Le principe

En cas de refus de l’inspection du travail, l’employeur a normalement l’obligation de réintégrer le salarié dans son poste ou un emploi équivalent. Le non-respect de cette obligation constitue une violation grave du statut protecteur.

Une évolution jurisprudentielle

Traditionnellement, la Cour de cassation n’acceptait que de très rares exceptions à cette règle, en cas d’impossibilité absolue de réintégration (ex. disparition de l’entreprise).

Mais la jurisprudence a évolué :

  • Cass. soc., 1er décembre 2021, n° 19-25.715 : l’obligation de sécurité peut justifier un refus de réintégration en cas de harcèlement moral.
  • Cass. soc., 8 janvier 2025, n° 23-12.574 : la même solution est retenue pour des faits de harcèlement sexuel. L’employeur, tenu de protéger ses salariés, peut invoquer cette impossibilité pour refuser la réintégration.

Conséquences pour le salarié

Dans ce type de situation, le salarié peut prendre acte de la rupture de son contrat et saisir le juge prud’homal.

  • Si le refus de réintégration est jugé injustifié, la prise d’acte produit les effets d’un licenciement nul (avec indemnisation pour violation du statut protecteur).
  • Si le refus est considéré comme justifié par l’obligation de sécurité, la prise d’acte produit les effets d’une démission.

3. Combien de temps dure la procédure ?

La durée varie selon la charge de travail de l’administration et la complexité du dossier :

  • En principe, l’inspection du travail doit statuer dans un délai de deux mois.
  • Ce délai peut être prolongé si l’inspecteur décide d’ordonner une enquête contradictoire.
  • En cas de recours (hiérarchique ou contentieux devant le tribunal administratif), la procédure peut durer plusieurs mois, voire plus d’un an.

Pendant tout ce temps, la mise à pied conservatoire continue de produire ses effets.


4. Outils pratiques pour sécuriser vos démarches

Pour accompagner les employeurs dans ce type de situations, deux modèles de courriers sont disponibles en téléchargement :

  • Refuser de réintégrer le salarié protégé en attendant la décision de l’inspection du travail
  • Réintégrer le salarié après que l’inspection du travail a refusé l’autorisation de licenciement

Ces modèles permettent de formaliser correctement vos décisions, d’éviter les erreurs de qualification (mise à pied disciplinaire vs mise à pied conservatoire) et de limiter les risques de contentieux prud’homal.


À retenir

  • La mise à pied conservatoire est une mesure d’attente, pas une sanction.
  • En cas de refus d’autorisation de licenciement, la réintégration est la règle.
  • Seule une impossibilité sérieuse et démontrée (liée à l’obligation de sécurité) peut justifier un refus de réintégration.
  • L’enjeu est majeur : violation du statut protecteur = licenciement nul.
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