La mise à pied disciplinaire de son salarié. Attention aux faux pas

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Mise à pied disciplinaire : comprendre, décider, ne pas se tromper

La mise à pied disciplinaire est une sanction :

Elle entraine donc une  suspension temporaire du contrat de travail  pendant quelques jours, le salarié ne travaille pas et n’est pas payé. Elle répond à une faute et ne se décrète pas sur un coup de tête. On la distingue de la mise à pied conservatoire, qui n’est pas une sanction : c’est une mesure d’attente pour écarter quelqu’un le temps d’enquêter et de décider. Dans ce dernier cas, si aucune sanction n’est finalement prononcée ou si la faute grave n’est pas retenue, la rémunération des jours écartés doit être régularisée. Base légale : Code du travail L1331-1 (définition des sanctions) et L1332-1 (procédure).

Proportionnalité, temporalité et procédure respectée: Le garde-fou des employeurs:

Proportionnalité: Pas de mise à pied disciplinaire pour 5 minutes de retard:

La proportionnalité s’apprécie au cas par cas. Quel que soit l’effectif, deux garde-fous s’imposent : la proportionnalité (on ne sort pas l’artillerie lourde pour un écart mineur)Une mise à pied de cinq jours pour un simple retard de cinq minutes est excessive ; à l’inverse, des manquements graves (sécurité, insubordination, fraude…) peuvent justifier une mise à pied ferme, voire un licenciement selon la gravité. En toute hypothèse, pas de double sanction pour les mêmes faits, et les sanctions de plus de trois ans ne peuvent plus être invoquées comme antécédents.

Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, la mise à pied disciplinaire doit exister noir sur blanc dans le règlement intérieur : nature des sanctions, échelle, durée maximale. Si ce n’est pas prévu, la sanction devient contestable (Cass. soc., 26 oct. 2010, n° 09-42.740). et le non-cumul (pas deux sanctions pour les mêmes faits). Autre point souvent oublié : une sanction vieille de plus de trois ans ne sert plus d’antécédent (L1332-5).

Temporalité : Attention aux délais

Trois délais gouvernent l’ensemble :

  • l’employeur dispose de deux mois à compter du jour où il a connaissance exacte des faits pour engager l’action disciplinaire (le plus souvent, l’envoi de la convocation matérialise cet engagement) ; si une enquête interne est nécessaire pour vérifier la réalité des faits, le point de départ est la pleine connaissance des faits établis ;

La faute n’attend pas — le Code non plus : deux mois, pas un jour de plus.

  • Entre l’entretien et la notification, il faut respecter un minimum de deux jours ouvrables pour délibérer sereinement ;
  • La notification doit intervenir au plus tard un mois après l’entretien. Le non-respect de ces délais peut suffire à faire annuler la sanction.

Procédure respectée: Loyauté de la preuve et rédaction sans erreur des courriers

Sans procédure régulière (convocation, entretien, notification dans les délais), la sanction encourt la nullité ou l’irrégularité et devient inopposable ; le salarié peut obtenir son annulation et un rappel de salaire pour la période de mise à pied. Cela ne signifie pas qu’il a automatiquement un « droit d’accès immédiat » à l’entreprise : on parle de nullité/annulation a posteriori, avec effets indemnitaires et/ou effacement de la sanction.

La procédure se déroule en trois temps : convocation (par LRAR ou remise en main propre contre décharge, avec l’objet, la date, l’heure, le lieu et la possibilité d’être assisté par une personne de l’entreprise), entretien (exposé des griefs, explications du salarié), puis notification motivée de la sanction. Cette notification est écrite, remise en main propre contre décharge ou envoyée en LRAR ; elle doit décrire précisément les faits et la durée de la mise à pied.

La lettre de notification doit être soignée et précise : faits datés et circonstanciés, référence éventuelle au règlement intérieur, durée de la mise à pied. L’employeur sera lié par ce qu’il a écrit ; en cas de contentieux, le juge prud’homal contrôle l’existence de la faute, la régularité de la procédure et la proportionnalité de la sanction. Il ne « révise » pas la sanction pour en mettre une moindre : il annule en cas d’irrégularité, d’absence de faute ou de disproportion manifeste.

Sur la preuve, attention au principe de loyauté : les stratagèmes (p. ex. enregistrement clandestin) sont en principe proscrits. La jurisprudence récente admet toutefois, à titre exceptionnel, des preuves irrégulières si elles sont indispensables et proportionnées au but poursuivi, après mise en balance des droits en cause. Prudence donc : mieux vaut s’appuyer sur des constatations et documents licites (mails professionnels, rapports, attestations conformes, etc.).

Au fait c’est quoi une sanction?

L‘article L1331-1 du Code du travail définit précisément la sanction:

Une sanction est Constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

La notion de sanction disciplinaire est interprétée largement par la jurisprudence : dès lors qu’un fait fautif est reproché au salarié et qu’une mesure ayant le caractère d’une sanction est prise ou envisagée, on entre dans le champ disciplinaire. Un simple message du type « en cas de récidive, il y aura sanction » peut, selon son contenu et sa portée, s’apparenter à un avertissement, qui est bien une sanction – mais avec une procédure allégée.

La mise à pied disciplinaire n’intervient qu’en réponse à un comportement fautif. Elle suspend le contrat et la rémunération pendant une durée déterminée. Comme toute sanction, elle suppose le respect d’une procédure contradictoire destinée à permettre au salarié de s’expliquer lors d’un entretien. Seules sont dispensées d’entretien les sanctions de faible niveau (type avertissement ou mesure de même nature) n’ayant pas d’incidence, immédiate ou non, sur la présence, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié (C. trav., L1332-2). Dire que « l’avertissement » est le seul dispensé d’entretien est donc trop réducteur.

Quand la mise à pied conservatoire précède la sanction disciplinaire

Dans les dossiers sensibles, l’employeur écarte parfois le salarié tout de suite (conservatoire), puis, après procédure, retient une mise à pied disciplinaire. Il est alors possible d’imputer tout ou partie des jours déjà écartés sur la durée de la sanction. Si la faute grave ne tient pas, on paie les jours de conservatoire : c’est une question d’équilibre, et ça se précise dans la lettre de sanction.

Qu’est-ce qui peut justifier une sanction disciplinaire?

Sans énumérer, à la manière d’un inventaire à la Prévert , tous les faits pouvant justifier d’une telle sanction, les absences injustifiées (hors protection), les manquements à la sécurité, insubordination, injures, fraude ou non-respect répété des consignes ou du règlement intérieur justifient, au cas par cas la mise en oeuvre d’une telle mesure.

Encore une fois, tout se mesure individuellement, au regard de circonstances individuelles: les faits, leurs conséquences concrètes, l’ancienneté, les antécédents, le contexte. C’est exactement là que se joue la proportionnalité.

Effets concrets pour le contrat

Pendant la mise à pied disciplinaire, le contrat et la rémunération sont suspendus pour la durée décidée. En principe, ce temps n’est pas du temps de travail effectif ; ses effets sur congés et primes dépendent des conventions et usages applicables. La sanction est versée au dossier disciplinaire ; elle peut compter en cas de récidive, mais pas au-delà de trois ans (effacement légal).

Salariés protégés : Attention à la procédure spéciale

Délégués, membres du CSE et autres salariés protégés : autorisation préalable de l’inspection du travail obligatoire. Sans cela, la sanction est nulle. Ne pas improviser.

Les recours du salalrié, les risques de l’employeur

Une mise à pied mal motivée, disproportionnée ou notifiée hors délais a toutes les chances d’être annulée par le conseil de prud’hommes. Dans ce cas, on parle de rappel de salaire pour la période et, souvent, de dommages et intérêts. Côté salarié, l’action liée à l’exécution du contrat se prescrit en deux ans (L1471-1). Mieux vaut donc, des deux côtés, verrouiller dates, pièces et écrits.

La mise à pied disciplinaire n’est ni un réflexe, ni un totem. C’est une réponse ferme à un manquement sérieux, encadrée par des règles claires : un règlement intérieur qui la prévoit (≥ 50), un délai de deux mois pour agir, une procédure avec entretien et lettre motivée, une durée proportionnée et sans rétroactivité. Bien conduite, elle remet du cadre. Bâclée, elle coûte cher.

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