L’entretien professionnel, c’est quoi au juste ?
L’entretien professionnel est obligatoire pour tous les salariés : il a lieu tous les 2 ans et fait l’objet d’un état des lieux récapitulatif tous les 6 ans (formations suivies, certifications, progression). Il est aussi dû au retour de certains congés (maternité, parental, longue maladie, mandat syndical, etc.). Cet entretien sert à construire l’avenir professionnel (formation, évolution, CPF/CEP), pas à évaluer la performance passée (c’est l’entretien annuel d’évaluation, distinct).
À retenir : ne jamais confondre entretien professionnel (avenir/compétences) et évaluation (performance passée) — deux objectifs, deux convocations, deux comptes rendus.
Pourquoi c’est crucial (au-delà de la “paperasse”) ?
- Maintien de l’employabilité et obligation d’adaptation du salarié par l’employeur (base juridique).
- Réduction des risques contentieux (prud’hommes) lors des litiges sur la carrière, la formation ou un licenciement pour insuffisance professionnelle.
- Meilleure visibilité RH : parcours, montée en compétences, mobilisations CPF/CEP.
Vos obligations concrètes (et vérifiables)
- Convocation formelle et traçable (courrier, LRAR, remise contre signature, ou email archivé de façon probante).
- Compte rendu écrit, signé et remis au salarié (copie conservée au dossier).
- Contenu minimum : perspectives d’évolution, besoins de formation, certifications, information CPF/CEP/VAE.
- BDESE / CSE : renseigner le nombre de bénéficiaires et suivre les indicateurs dans la BDESE (entreprises concernées), pour la transparence sociale.
Attention à la preuve. Un entretien fait mais non archivé (absence de convocation/comptes rendus) est juridiquement assimilé… à un entretien non réalisé.
Sanctions applicables en 2025
Entreprises d’au moins 50 salariés
- Abondement correctif CPF (6 ans) : si le salarié n’a pas bénéficié des entretiens obligatoires et d’au moins une formation sur 6 ans, l’employeur verse 3 000 € sur son CPF. En cas de non-paiement après mise en demeure, versement au Trésor public d’un montant équivalent à l’insuffisance majorée de 100 % (soit l’équivalent du double).
- Dommages et intérêts : si le salarié prouve un préjudice (ex. perte de chance d’évolution, défaut d’adaptation), les juges indemnisent. La Cour de cassation admet le raisonnement par perte de chance.
- Licenciement fragilisé : en cas d’insuffisance professionnelle, l’employeur qui n’a pas prouvé son effort d’adaptation/formation s’expose à une requalification ou à une condamnation. (Raisonnement constant, adossé à l’obligation d’adaptation et à l’existence des entretiens.
Entreprises de moins de 50 salariés
- Pas d’abondement correctif automatique.
- Mais action prud’homale possible : si le préjudice est démontré, indemnisation (les TPE/PME sont donc exposées, notamment sur la preuve et l’obligation d’adaptation).
Contrôles et acteurs
- Inspection du travail/DREETS et organismes financeurs peuvent contrôler convocations, comptes rendus, bilan 6 ans, preuves d’information CPF/CEP/VAE, ainsi que la BDSE.
Les risques sous-estimés
- Égalité de traitement / discrimination indirecte : si certains salariés sont régulièrement convoqués et d’autres oubliés, le terrain est propice à des allégations de discrimination (articulation avec L.1132-1).
- Conventions collectives / accords d’entreprise : ils peuvent prévoir des modalités renforcées (contenu, délais, intervenants). Le non-respect de ces exigences aggrave le risque.
- Preuve électronique : une convocation par courriel non archivée (ou effacée) est fragile. Misez sur une traçabilité robuste (remise signée, coffre-fort numérique).
- État des lieux 6 ans bâclé : il doit recenser entretiens, formations, certifications, progression. Une simple “récap” sommaire ne suffit pas.
Check-list anti-litige (pratique)
- Planifier les entretiens (outil RH + rappels) et informer tôt les salariés.
- Utiliser des modèles distincts :
- modèle convocation entretien professionnel,
- lettre convocation entretien annuel d’évaluation.
- Remettre et faire signer un compte rendu complet ; conserver toutes les pièces (convocations, CR, émargements, propositions de formation).
- Programmer l’état des lieux 6 ans et tracer les formations (dont non-obligatoires).
- Actualiser la BDESE et informer le CSE (entreprises concernées).
Cas pratiques (pour se repérer vite)
- Convocation absente / improuvable : l’employeur “perd” l’entretien → exposition aux dommages-intérêts et, en +50 salariés, à l’abondement CPF.
- État des lieux 6 ans manquant : abondement 3 000 € si les conditions sont réunies (et majoration Trésor en cas de non-paiement après mise en demeure).
- Licenciement pour insuffisance : entretien/formation inexistants = défaut d’adaptation reproché à l’employeur → licenciement fragilisé.
Tableau express
Taille d’entreprise | Abondement CPF (6 ans) | Prud’hommes (préjudice) | Contrôles (BDESE/Inspection) |
---|---|---|---|
≥ 50 salariés | Oui : 3 000 € (double au Trésor en cas de non-paiement après mise en demeure) | Oui si perte de chance/défaut d’adaptation prouvés | Oui (BDESE, pièces) |
< 50 salariés | Non | Oui si préjudice prouvé | Oui (pièces) |
Sources clés : Code du travail L6315-1 ; page Service-public ; financeurs CPF (sanctions et doublement au Trésor) ; BDESE/CSE.
La faille n°1… et la solution simple
La convocation est LA première preuve demandée par les contrôleurs et les juges. Or, c’est précisément là que surviennent les erreurs de forme (objet, mentions, délais, confusion avec l’évaluation).
Pour sécuriser, utilisez des modèles prêts à l’emploi (deux lettres bien distinctes) :
- Lettre de convocation à l’entretien professionnel,
- Lettre de convocation à l’entretien annuel d’évaluation.
Ces modèles vous aident à éviter la confusion, cadrer les mentions clés, prouver la tenue de l’entretien et gagner du temps — tout en restant conformes. (Et vous cochez vos cases BDESE/CSE plus sereinement.).
Focus : la convocation à l’entretien annuel pour les salariés en forfait jours
Les salariés en forfait jours – souvent cadres ou autonomes – font l’objet d’une attention particulière dans le Code du travail. Outre l’entretien professionnel biennal prévu pour tous, ils doivent obligatoirement bénéficier chaque année d’un entretien spécifique, appelé « entretien annuel de suivi du forfait jours ».
Cet entretien annuel vise plusieurs objectifs :
- Faire le point sur la charge de travail réelle du salarié,
- Evaluer l’articulation entre l’autonomie du salarié, ses missions et la mesure de sa charge,
- Préserver la santé, la sécurité et l’équilibre vie professionnelle/vie personnelle,
- Identifier les éventuels risques de surcharge ou d’isolement.
La convocation à cet entretien doit être écrite et remise en amont, de préférence au moins une semaine avant la date prévue. Il est recommandé de :
- Préciser dans la convocation l’objet spécifique (« entretien annuel de suivi du forfait jours »),
- Lister les thèmes qui seront abordés : charge de travail, organisation personnelle, équilibre vie pro/perso, perspectives et besoins éventuels d’adaptation,
- Proposer, si possible, plusieurs créneaux pour respecter l’autonomie particulière des salariés en forfait jours.
Le défaut d’organisation ou d’archivage de cet entretien peut entraîner pour l’employeur une remise en cause de la validité de la convention de forfait jours, voire des condamnations pour non-respect de ses obligations en matière de santé au travail en cas de litige sur une surcharge ou un éventuel burn-out.
En conclusion
La convocation à l’entretien annuel, distinct de la convocation à l’entretien professionnel, répond à un enjeu légal et managérial fort et n’est pas une formalité: C’est à la fois un levier RH… et un risque juridique si mal géré. Les sanctions financières (abondement CPF), l’exposition prud’homale (perte de chance, défaut d’adaptation) et les contrôles (BDESE/inspection) imposent une gestion soignée. Avec deux convocations distinctes et un archivage propre, vous sécurisez votre conformité et protégez votre entreprise.
Voir aussi : Tous les modèles de lettres de l’employeur